Dans la chambre a coucher 25 [34e etage]

Nathaniel referma ses bras autour du cou de Ken. Les craintes du garçon le faisaient sourire. Les siennes étaient différentes. Jamais il n'abandonnerait Ken, de cela il en était sûr, mais il désespérait de s'échapper un jour de cette bâtisse infernale. Un nuage passa dans ses prunelles et se dissipa bien vite. S'il y avait une chose à laquelle il ne voulait surtout pas céder, c'était la crainte d'un futur plus ou moins lointain.

"Oui et oui. Bien sûr."

Il attira vers lui le visage de Ken et l'embrassa langoureusement. Puis le regarda en souriant et le re-embrassa. Et il aurait pû recommencer encore et encore, et peut-être même, en oublier les fantômes et ces visions dérangeantes?

"Et c'est une promesse."

Nath le serra contre lui le plus fort possible. Non, il ne lâcherait pas.

Regis se tenait l'estomac d'une main et de l'autre s'appuyait désespérement contre le sol. Sa respiration était sacadée, mais le fait de vomir l'avait un peu soulagé. Enfin, seulement physiquement.

*Merd*... Nath et... et Ken... J'y crois pas...*

Tant bien que mal, il se releva et alla chercher du papier pour éponger le sol. Après quoi, il s'approcha d'un lavabo et ouvrit le robinet d'eau froide afin de s'en asperger généreusement la figure.

"Ken... et Nath... Bordel..."

Regis soupira profondément et se décida à sortir. D'habitude, quand il avait le cafard, il s'enfermait dans la cuisine et finissait une boîte de céréales au chocolat en les trempant dans du nutella, mais là, il n'avait pas la forme nécessaire. Autant aller se coucher. Il ouvrit la porte et se traina dans le couloir, ou plutôt, ce qu'il croyait être le couloir.

"Je suis en plein cauchemar, là, c'est ça?"

Se sentant de nouveau faible, il chercha le lit à tâtons pour s'affaler dessus, le visage enfoui dans le couvre-lit. Voilà, il ferait sa sieste ici.

Ken se releva si vite qu'on aurait dit qu'il était une marionnette. Uaaaaah! Il aurait fallu que Regis les voit comme ça. Encore. Ken n'avait jamais été aussi embarrassé. Il s'approcha du lit pour s'excuser auprès de son cousin, mais avant même qu'il ne puisse ouvrir la bouche, il crut voir des yeux emplis de plus de haine qu'il ne croyait possible dans une personne.

Il fuit. Il ne savait pas si Regis l'avait vraiment regardé, ou si c'était son imagination hyperactive, mais il ne pouvait pas supporter cette haine.

Il sortit par la seule porte--celle qui menait normalement sur le couloir, mais qui maintenant s'ouvrait sur la salle de bain d'où Regis est venu. Il claqua la porte derrière lui pour que personne ne l'entende fondre en larmes.

Il ne supportait pas la haine. Il était allergique à la colère. Il se sentait comme s'il allait mourir.

*Ça fait mal!* Il tomba à genoux, une main contre son coeur, l'autre se serrant sur sa gorge. *Ça fait mal!!*

Nath sursauta au moins aussi fort que Ken en voyant Regis déboulé dans la pièce. Bizarrement, le roux aussi avait l'air surpris. Le chef resta figé quand Regis s'effondra sur le lit et quand Ken sortit précipitamment de la chambre. Il finit tout de même par réagir et s'approcha de Regis avec suspicion. Le jeune homme lui toucha l'épaule, mais il ne réagit pas.

"Regis? Ça va? ... Oh, il dort..."

Nathaniel leva les yeux vers la porte avec apréhension. Ken l'avait claquée derrière lui en sortant. Que devait-il faire? Puisque Regis dormait... Le jeune chef ouvrit la porte avec précaution et vit Ken affalé part terre, la main crispée sur la poitrine.

"Ke.. Ken? Heu..."

Nath ferma les yeux et se tut. Pris d'une soudaine impulsion, il se laissa tomber à genoux sur le sol et le serra dans ses bras de toutes ses forces.

Ken se figea, ses yeux fermés, en un effort futile de retenir ses larmes. Il avait atrocement peur de se faire abandonner. Il savait que Nath ne ferait JAMAIS ça, mais quinze ans de solitude avec tout le monde qui le trahit l'avait rendu très prudent quand il devait faire confience aux gens.

Mais il se sentait si bien dans les bras de Nath. Il sentait l'amitié, l'honnêteté et l'affection. C'était tellement réconfortant, tellement chéri comme sentiment que Ken ne pouvait pas résister.

Il abandonna toute prétention de calme et se jeta dans les bras de Nath. Il ne pleurait pas aussi fort qu'il aurait pensé, les larmes coulant lentement sur ses joues, mais il serra Nath de toutes ses forces, ne voulant jamais le lâcher.

"Nath, j'ai tellement peur! J'ai peur que tu disparaisse. On sait pas qu'est-ce qui pourrait se passer dans ce maudit immeuble. Je veux pas que tu disparaisse!"

"Mais non Ken."

Nathaniel, sachant que son étreinte rassurait le garçon, se mit à lui caresser doucement le dos. Il devait le rassurer, le calmer. C'était son rôle. Et il lui faudrait aussi s'occuper de Regis, il ne pouvait pas se permettre de favoriser Ken malgré tout. Mais le rouquin dormait et Ken avait besoin de lui. Oui, besoin de lui, aussi étrange que cela puisse paraître.

"Nous ne sommes pas morts. S'il y a bien une chose que l'immeuble ne peut pas faire, c'est nous faire disparaître ou nous séparer."

Le jeune homme continua à lui caresser le dos pendant quelques minutes, puis se détacha doucement et prit son visage entre ses mains pour lui sourire. Un sourire franc, rassurant, qui semblait réellement le sourire de quelqu'un d'heureux. Et à vrai dire, Nath l'était, heureux. En cet instant avec Ken. Il l'embrasse doucement.