Dreamer

Ploc ploc ploc

Regis accèlera le pas.

Ploc ploc ploc

Il marchait le long d'un couloir du 52ème.

Ploc ploc ploc

Le garçon tenta en vain de se boucher les oreilles.

Ploc ploc ploc... Ploc.

Il hurla en sentant un liquide froid tomber sur sa joue et ne put s'empêcher de lever les yeux au plafond. Du sang suintait de la paroi et tombait sur la moquette goutte par goutte. Regis sentit ses jambes se dérober sous lui. Il ferma les yeux si forts qu'il se fit mal aux paupières et protégeant sa tête de ses bras, il essaya de penser à sa soeur. Au bout d'un moment, il rouvrit les yeux. Le sang avait disparu. Il se releva tout tremblant et continua sa route en tibutant. Il ouvrit un porte au hasard. Un dortoir plongé dans l'obscurité. Soulagé, il se laissa tomber sur un lit au hasard; malheureusement déjà occupé. Il bondit en arrière en hurlant de toute la force de ses poumons.

Michael dormait sans rêver, un talent qu'il avait depuis la perte de ses parnts -- c'est-à-dire toute sa vie. Son état pendant qu'il dormait était similaire à celui d'un voyant en trance: il était détaché de son environement sans pour autant qu'il soit inconscient. Ça c'était un talent qu'il avait reçu avec sa bande, puisqu'il y avait toujours le risque de se faire arrêter ou attaquer subitement en pleine nuit, donc il fallait toujours être prêt à courir.

Michael se réveilla subitement quand quelque chose lui tomba lourdement dessus, poussant un véritable cri de guerre alors même qu'il se précipitait de mettre la totalité de la chambre -- et des lits -- entre lui et son attaqueur. Il s'arrêta contre le mur, faisant face à l'intrus avec ses poingts en l'air, prêt à se défendre. Il n'aimait pas se battre, mais il aimait encore moins se faire surprendre en train de dormir comme ça.

S'étant attendu à une horde de policiers ou de voyous, Michael était surpris de voir un seul garçon plus petit que Michael. Il laissa tomber ses mains et regarda le gamin avec intérêt.

"Salut," dit-il simplement, curieux. Il n'avait vraiment pas su que cet appartement était habité. Il admira le garçon de haut en bas. Pas mal. Un peu maigre, mais mignon.

Regis recula en tibutant et sentit contre ses jambes le bord métallique d'un autre lit sur lequel il se laissa tomber. Entre temps, il vit un jeune homme bondir vers l'autre bout de la pièce, les poings relevés dans une posture de défense. Il ne lui sembla pas le reconnaître, ce qui voulait dire que cet inconnu devait être un nouveau venu dans l'immeuble. Encore. A ce rythme, ils allaient bientôt être aussi nombreux que les apparitions elles-mêmes.

Regis prit son temps pour retrouver une respiration normale et ne dit rien avant que le jeune homme ne baissât les poings et lança la première parole. Il ne semblait plus du tout menaçant, cependant le jeune chef de clan préfèra rester silencieux. Le 'ploc ploc' sinistre du couloir résonnait encore quelque part dans sa tête. En portant sa main sur son front, il sentit sous ses doigts les cernes creusées sous ses yeux.

"Put*** de bor***... Heu, je veux dire, salut...? Je m'appelle Regis."

Il souffla sur les mèches de cheveux qui lui tombaient devant le visage et plissa les yeux pour mieux voir le garçon à demi masqué par l'obscurité.

Michael s'avança, satisfait que le jeune n'était pas du tout dangereux.

'Moi c'est Dreamer, mais tu peux m'appeller Michael," dit-il, étirant sa main pour se présenter et s'avançant encore plus. Mais il ne fut pas plus que deux pas quand ses pieds revolèrent de sous son corps, l'élançant dans les airs. Il retomba lourdement sur son dos. Typiquement, il n'y avait pas de lit pour l'attrapper LUI!

"Ouch!" s'exclama-t-il à l'anglaise. Quand il s'énervait ou était stressé, il parlait sans s'en rendre compte en sa langue maternelle.

Il tâcha de se relever sans trop s'embarrasser encore plus. Qu'est-ce qui l'avait fait tomber comme ça? On aurait dit de la glace noire, mais comment pouvait-il y avoir de la glace dans une chambre où il n'y avait pas d'eau et où la température était loin d'être assez froide pour geler de l'eau. Quand il posa sa main par terre pour se relever, Michael toucha quelque chose de mouillé. Tiens, peut-être qu'il y avait de l'eau après tout. Mais cette idée disparrut en un pouf de fumée quand il vit sa main dans la lumière faible de la chambre.

Elle était rouge. Comme le sang. Couverte de sang.

Michael poussa un tel cri qu'il se fit sursauter lui même. Il était presque aussi allergique au sang qu'il l'était à la douleur. Il toucha son dos, sa nuque, sa tête, pour s'assurer que ce sang venait pas de lui. Aucune blessure. Mais alors d'où se sang venait-il?

Une goutte de liquide tomba sur sa joue. Il s'essuya avec l'autre main, la propre, et la retira tâchée de sang. Avec trépidation, il leva les yeux au plafond, et -- par miracle cette fois -- avala son cri de dégoût.

"C'est quoi cet immeuble?!?!?!"

Regis sourit.

"Michael."

Son sourire se figea en voyant le jeune homme porter sa main à sa joue puis lever les yeux au plafond. Le sang, encore. Il se força à ignorer le phénomène et adressa un regard avenant à Michael.

"Laisse-moi t'expliquer. Hum en fait..."

Ah non, Regis ne savait pas par où commencer. On le prenait toujours pour un menteur quand il essayait d'exposer leur situation! Que dire?

"Est-ce que tu crois aux esprits?" demanda-t-il avec espoir.

Michael fixa le garçon d'un air ahuri.

"T'es pas sérieux. Les esprits? Tu me demande si je crois aux esprits?! C'est quoi cette question imbécile? Mais bien sûr que je crois aux esprits! Qui pourrait pas y croire?"

Michael était un supersitieux fervent. Il avait toujours remarqué des présences partout où il allait. Même s'il n'avait jamais vu un esprit ou un fantôme ou whatever, il y croyait vraiment. Il avait sentit quelque chose bizarre dès qu'il entra dans l'immeuble, mais il n'avait rien senti de mauvaises ondes.

Mais, remarque, il commençait de plus en plus de présences cruelles dans l'immeuble.

"Pourquoi tu me demande ça?"

Regis paru intensément soulagé. Voilà qui lui facilitait grandement la tâche!

"Génial!"

Mais par où commencer? L'immeuble est hanté, tu ne pourras plus jamais en sortir? Entre dans mon clan ou crève? J'espère que tu n'as pas peur du noir? Que le sang ne te fais pas vomir? Bon pour ce dernier point, ça ne semblait heureusement pas être le cas. Alors quoi? Regis croisa les bras sans quitter Michael des yeux.

"Génial." répèta-t-il. "Alors, voilà, comment dire... L'immeuble est hanté... Oui... et puis... On peut pas sortir... Pas aller dans certains étages..."

Zut! Est-ce qu'il avait l'air d'un vrai chef, là? Comment arriverait-il jamais à convaincre quelqu'un de joindre les Junky Ghosts s'il se comportait de la sorte? Regis se leva et prit une expression plus dure.

"En fait, il est matériellement impossible de sortir d'ici... Il y a peut-être un moyen moins conventionnel, mais on l'a pas encore trouvé... Autre chose, le temps semble figé ici. Personne n'a vieilli depuis son arrivée."

Ah bon, l'immeuble était hanté. Ça expliquerait bien des choses, commençant par le plafond dégoulinant de sang et les 99 étages pour cet immeuble qui n'avait l'air que d'en avoir une dizaine dehors. Et en plus on ne vieillissait jamais. Mais c'était génial ça; ça vallait bien la peine de vivre dans un endroit aussi hant........ Attend... ne jamais vieillir... lui qui était sur le point d'avoir 17 ans... lui qui était si fièr de ça...

"MERDE!! >< " s'écria-t-il avant qu'il ne puisse se contrôler. Il se calma instantanément, mais son esprit braillait. C'était pas juste!! Il ne pourrait pas au moins sortir et revenir quand il avait 17 ans? Mais non, l'autre avait dit qu'il ne pourrait jamais ressortir. Zut. Zut zut zut zut zut zut zut zut zut zut!!

Il s'assit sur le coin d'un lit, soudainement épuisé. Bon, ben du moins il n'y avait pas grande chance que les policiers viennent ici. Où s'ils venaient, ils seraient tout aussi coincés que Michael. Il tourna les yeux vers le jeune.

"Dis, y'a combien d'autre monde ici? Et vas-tu enfin décider de me dire comment tu t'appelles?"

S'il n'y avait qu'eux deux, Michael deviendrait fou. Pas que le garçon n'était pas sympa, mais Michael avait besoin de compagnie plus... signifiante. Il avait horreur d'être seul! Il avait même peur de ça. L'idée le pétrifiait.

Regis sursauta au juron de l'autre garçon. Était-ce ainsi qu'il exprimait sa peur et son incrédulité? Oh, peut-être. Si ça se trouvait, il se croyait en compagnie d'un cinglé. L'adolescent commencait légèrement à en avoir assez de cette situation qui le mettait mal à l'aise. Ils auraient dû ouvrir un centre d'acceuil et Ken serait chargé d'acceuillir tout le monde. Voilà. Ken était sûrement beaucoup plus doué pour cela que lui. En attendant, même si l'image de Ken habillé en garçon de café était très amusante, Regis dut se concentrer sur Michael.

"Et bien... Il y a moi, mon cousin, Nathaniel, notre chef, et quatre jeunes filles... Mais... Pardon, mais, il me semble te l'avoir donné, mon nom. Je m'appelle Regis. Et je suis le chef de clan des Junky Ghosts."

Qu'ajouter?

"Nath a été le premier à atterir ici. Et puis il y a eut moi et Ken. Ken c'est mon cousin, c'est le chef des Nigthwings. On essaye de s'organiser. C'est pas facile. J'espère pour toi que tu as un coeur solide."

Michael hocha la tête. Pas mal comme groupe. Avec Michael, il y avait autant de filles que de garçons. Il se demandait quelles étaient ses chances d'initier une orgie avec tout le monde. Sûrement pas bonnes. Mais bon, il pouvait rêver. Après tout, il était un jeune adolescent; il n'avait que ça en tête.

"Et puis, à quoi ça sert avoir des clans différents?"

Michael avait senti une émotion complexe dans son coeur à la mention des deux clans. Ça le rappellait de ses jours avec les Lightnings. D'un côté, cette familiarité était soulageante. Mais de l'autre côté, ça l'attristait à tel point qu'il voulait se rouler en petite boulle par terre et pleurer comme un enfant.

"On fait quoi maintenant?" demanda-t-il.

La mine de Regis s'assombrit subitement. Il serra le drap dans son poing.

"C'est parce que..."

Sa phrase se termina dans un grincement de dents. Le garçon se leva, fit un rapide signe de la main à Michael et sortit. Qu'il se débrouille. Il lui avait tout expliqué, non?

*J'ai la dalle!*

Il poussa le bouton d'appel de l'ascenseur et ne fut pas surpris de voir les portes s'ouvrir aussitôt. Après tou, il n'y avait pas grand monde pour l'utiliser, cet ascenseur.

*Aux cuisines.*

*Ben, qu'est-ce qu'il a?* Michael se demanda alors que Regis s'éloigna avec un air irrité. *Qu'est-ce que j'ai fait?*

"Je reste ici alors?" appela-t-il sans se lever, ni sans se retourner. "Vous n'allez pas essayer de m'expulser?"

Il savait, que les autres le veuillent ou pas, il était coincé là. Il avait un peu peur. Il devenait parfois claustrophobe, surtout dans des endroits qu'il ne connaissait pas, et, il savait, particulièrement dans un endroit qu'il ne connaissait pas et qui était HANTÉ en prime! Il eut un frisson soudain, comme si quelqu'un d'invisible le fixait d'un regard cruel.

"Qu'est-ce que je vais faire, moi?" se demanda-t-il à haute voix, voyant que Regis allait partir coûte que coûte. Il devait bien parler avec quelqu'un d'intelligent, même si c'était lui-même.