Je me demande...

Ken était seul dans la chambre de Nath, assis sur le rebord de la fenêtre. Il l'aimait beaucoup, cette fenêtre, dont le rebord était si grand que Ken pouvait s'y assoir confortablement. Il avait piqué tous les oreillers du lit pour les arranger sur le rebord, créant pratiquement un divan. Il était assis parallèle à la vitre, ses pieds levés sur le rebord devant lui, accoté sur la fenêtre.

La vue aussi était superbe. La fenêtre donnait sur une grande vallée verdoyante, des centaines d'arbres d'espèces différentes visibles jusqu'à l'horizon. Des bas nuages bloquent parfois de vue certaines des montagnes. Une rivière coulait au fond de la vallée, brillant comme un diamant.

Sans le vouloir, Ken poussa un soupir de désir.

Il voulait sortir. Il voulait traverser cette vallée, se promener parmi les arbres. Il voulait être entouré de nature, pas rester enfermé par quatre murs constamment. Il voulait se baigner dans un lac. Il voulait escalader une falaise. Il voulait même pelleter de la neige, tondre la pelouse et râcler des feuilles! Il accepterait même d'arracher des mauvaises herbes, sa tâche la plus détestée au monde.

*Je me demande comment on fait pour sortir ici?* pensa-t-il, un peu distrait par la vue de la vallée sous le soleil couchant. Il s'était déjà demandé cette question plusieurs fois depuis son arrivée. *Il doit y avoir une façon de sortir. S'il y a quelque chose ou quelqu'un qui nous garde prisonniers ici, il doit y avoir une manière de le battre, ou de faire quelque chose pour eux qui leur convainquerait de nous laisser partir.*

Regis entra dans la chambre de Nath, les mains dans les poches. Ces jours-ci, il était resté de son côté de l'immeuble, évitant la compagnie des autres. Mais bon, jouer du violon tout seul dans son coin, ça devenait lassant à force. Le chef n'était pas là mais il aperçut son cousin à la fenêtre. Il s'immobilisa un instant au milieu de la pièce. Il n'avait toujours pas digèré cette histoire entre Ken et Nath. Il se sentait toujours aussi à part, rejeté en quelque sorte. Regis eut un reniflement dédaigneux.

"Ah, c'est toi."

Il se détourna et s'approcha de la porte pour sortir. Mais il se figea, la main poser sur la poignée. Il ferma les yeux, les dents serrées.

Ken tourna des yeux glacés et sans émotion sur son cousin.

"Oui, c'est moi. Et alors?"

Il secoua violement la tête soudainement, comme pour la vider. Ses yeux avaient retrouvé leur chaleur, et un sourire illumina son visage.

"Qu'est-ce qu'il y a, Regis? Tu cherchais Nath? Je sais pas où il est, mais si tu veux, je peux t'aider à le chercher."

Ken savait que tout n'allait pas bien entre eux deux. Il avait vu que Regis l'aimait de moins en moins. Mais il voulait essayer d'arranger leur relation, rien qu'un peu s'il le fallait. Il n'aimait pas que Regis le déteste; après tout, Regis avait été la seule personne qui s'occupait de lui quand ils étaient jeunes. C'était Regis qui l'avait emmené ici, ce qui a fait qu'il a rencontré Nath.

"Oui, c'est moi. Et alors?"

Regis nota avec une certaine surprise le ton anormalement froid de son cousin. Tiens, aurait-il finalement réussi à se mettre Ken à dos? Dans ce cas, Nathaniel ne tarderait pas à le traiter pareillement, puisqu'ils étaient tellement proches... Dégoûté, le jeune homme se mordit la lèvre.

"Qu'est-ce qu'il y a, Regis? Tu cherchais Nath? Je sais pas où il est, mais si tu veux, je peux t'aider à le chercher."

Ah non, la voix de Ken avait repris sa douceur naturelle. Regis fixa pensivement la poignée. Il était si facile de l'actionner et de sortir, coupant court à une conversation péniable. Mais son goût pour le conflit laissa ses doigts immobiles.

"Ça fait simplement un bail que j'l'ai pas vu... Il a p'tête besoin de moi..." fit-il en en doutant très fortement.

Regis finit par se retourner, lentement, un sourire crispé sur les lèvres.

"Alors, cousin, les fantômes t'ont pas trop embêté ces temps-ci?"

"Les fantômes? Non, pas trop," répondit Ken de façon distraite.

C'est vrai qu'ils n'avaient pas vu Nath depuis assez longtemps. Et ce n'était pas exactement vrai ce qu'il venait de dire: les fantômes harassaient tout le monde, et ils semblaient plus agités que d'habitude ces temps-ci.

Ken s'installa plus confortablement sur son nid de coussins et tourna son regard encore une fois vers la fenêtre.

"Je me demande si ces paysages sont vraiment là," remarqua-t-il à son cousin. "Je me demande pourquoi on ne peut pas y accéder. Peut-être que ce sont des univers différents."

Regis ne disait rien mais le regardait bizarrement. Il n'avait jamais aimé son cousin, c'était un fait, mais que lui et Nathaniel soient ensembles... Rien que d'y penser, il lui prenait l'envie de lui envoyer son poing dans la figure d'ange de Ken, d'y décrocher ce sourire niais et énervant. Il serra dans sa main le bouton de la porte à laquelle il était adossé. Mais pourquoi Ken, hein? Pourquoi...

*Attend, attend! T'es jaloux ou quoi?*

Il écarquilla les yeux. Non... Regis ferma les yeux. Jaloux, indéniablement, mais uniquement parce qu'il se sentait injustement mis de côté. Il rouvrit les yeux, plus calme, mais une lueur haineuse les habitait.

"Je me demande si ces paysages sont vraiment là," remarqua-t-il à son cousin. "Je me demande pourquoi on ne peut pas y accéder. Peut-être que ce sont des univers différents."

"J'en ai rien à faire... Si seulement je pouvais sortir d'ici, peu importe ce qu'il y aurait dehors."